Vous connaissez cette grande maison de briques rouges qui se présente au visiteur, au milieu de la cour de ferme ? Vous voyez son beau toit d’ardoises aux trois cheminées, ses hautes fenêtres à petits carreaux flanquées de volets. Dans cette maison, toute une histoire depuis près de trois siècles…
Et le dernier habitant, qui y vit depuis 1935 ? Roland… Roland Raimbourg est l’habitant de cette grande maison, depuis maintenant 86 ans. Il y est né en 1935, car autrefois les enfants naissaient dans leur maison. Ici la maman fut assistée par le Dr Bocquet. Il est le 8ème enfant d’une famille de 9 enfants (Hélène, Achille, Bernard, Denise, René, Maurice, Bernadette, Roland et Odile). Ses parents, Achille et Hélène avaient déjà eu 5 enfants quand ils sont arrivés à Mont-Cauvaire. Ils venaient d’une ferme située à Ratieville, une ferme un peu isolée. C’est donc avec bonheur que la famille, très croyante, s’est installée comme locataire à Mont-Cauvaire, dans cette ferme presque au cœur du village et tout près de l’église.
Cette maison est une des premières à avoir été électrifiée dans les années 30. Une véritable attraction et le soir il arrivait que des gens viennent voir avec curiosité cette maison éclairée d’ampoules électriques et non plus de bougies…
Sur les 9 enfants, 7 enfants ont vécu à la ferme (2 sont décédés jeunes). Roland en est le dernier habitant. Sa dernière sœur, Denise, 96 ans vit à l’EHPAD de Montville.
Tous les bâtiments de la ferme, s’ils sont pour certains un peu endormis aujourd’hui, avait des usages bien particuliers. Roland raconte avec beaucoup d’émotion et d’étonnement l’énorme travail réalisé, en ces temps où il n’y avait pas ou peu de machine. Écuries, étables, poulaillers, pressoir à cidre, cellier, four à pain, grange, porcherie, et grand hangar, abritaient toutes les activités d’une ferme, le matériel agricole et la voiture de marché… (la famille a eu une voiture motorisée dans les années 60, une 203 !) et bien sûr la grande mare indispensable pour abreuver les animaux.
Le travail à la ferme, au quotidien se partageait entre les soins aux bêtes (25 vaches, des veaux, 7 chevaux, des poules), la traite, la fabrication du beurre (vendu au marché de Montville), le potager, le travail aux champs (blé, avoine, betteraves…), etc. …
La cour était autrefois plantée devant et derrière, de près de 120 pommiers à cidre. Derrière la maison, un grand potager permettait de nourrir la famille toute l’année ainsi que les ouvriers agricoles qui travaillaient sur la ferme pour les moments où les travaux agricoles le nécessitaient (moisson, fenaison, labours, cidre par exemple). Il n’était pas rare d’être entre 12 et 15 personnes à table ! Tous les adultes de la famille travaillaient à la ferme et les enfants, lorsqu’ils rentraient de l’école, participaient activement et simplement à toutes ces activités.
Roland raconte être allé à l’école communale de Mont-Cauvaire dans la « petite classe » de Mme Pruvel d’abord puis la « grande classe » de Monsieur Pruvel, classes chauffées au poêle à bois. La cour était très grande à l’époque car il n’y avait pas d’autres bâtiments et les enfants jouaient autour du gros tilleul.
Roland dit ne s’être pas posé de question quant au métier qu’il allait exercer, même s’il avait pensé peut-être à être maraîcher… très vite et simplement, travailler à la ferme s’est fait comme une évidence.
L’exploitation agricole a fonctionné jusque dans les années 90, date à laquelle la commune s’est portée acquéreur de l’ensemble de la ferme auprès du propriétaire, afin de préserver ce lieu magnifique que nous connaissons maintenant.
Roland raconte avoir beaucoup de beaux souvenirs de cette vie et ces souvenirs peuplent ces journées d’aujourd’hui. Roland parle peu de lui, toute sa vie c’est la ferme !
Il raconte quand même, que la 203, leur a permis dans les années soixante, d’aller voir le petit cousin Bourvil (André Raimbourg, acteur et humoriste), jouer au Théâtre des Arts à Rouen !
Il évoque aussi les moments de bonheur avec la famille élargie, les cousins et cousines, et les habitants du village, toujours là pour aider. Il parle de travail, de solidarité, de partage, de joies.
À l’époque, l’heure c’était la cloche de l’église… que son frère Maurice faisait sonner (dès l’Angélus à 6h du matin !).
Et aujourd’hui, Roland qui porte une montre qui fonctionne mal, nous dit d’un air malicieux que c’est toujours et encore la cloche, qui lui donne l’heure !
Cathy, Pierre-Nicolas
Merci, Roland, d’avoir avec tant de gentillesse, répondu à nos sollicitations.
Vous avez plein d’autres choses à raconter, le travail à la ferme, les autres fermes, la vie du village, les commerces, la guerre 39/45… Nous reviendrons bien vite vers vous !